[Podcast] « Les Maîtres de l’humour : P. G. Wodehouse : l’humour anglais dans un aquarium », sur Radio France

(Texte et image de France Culture)

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Parler de Wodehouse, c’est d’abord raconter ses deux série de romans : celle consacrée à Jeeves et Bertie Wooster, et celle du château de Blandings, où règne une impératrice qui n’est rien d’autre qu’un énorme cochon. C’est surtout raconter une certaine Angleterre, celle de la « gentry ».
Avec Christian Jambet Directeur d’études à l’Ecole pratique des Hautes Etudes, à la chaire « Philosophie en islam ». François Rivière Docteur en histoire médiévale, rattaché au Laboratoire de médiévistique occidentale de Paris et au laboratoire Institutions et dynamiques historiques de l’économie et de la société,  Hubert Prolongeau Journaliste, auteur

Les thèmes récurrents de Wodehouse, folie, amour, rapport maître-valet, pointent tous vers le même objectif : faire rire ses lecteurs. Rire par l’absurde, rire aux éclats et se frotter à l’incompétence de l’être humain face à n’importe quelle situation. Jerome K. Jerome, l’auteur de Trois Hommes dans un bateau, et J. M. Barry, le créateur excentrique de Peter Pan, inspirent Wodehouse et lui sont contemporains. Dans le réseau de ses influences et collaborateurs, très étroit, on peut ajouter A. A. Milne, le créateur de Winnie l’ourson.

Wodehouse s’est imposé le travail d’écrivain. Il devient auteur de livres humoristiques comme Agatha Christie est devenue romancière par le roman policier ou Ian Fleming par le roman d’espionnage. Dans le début du 20e siècle, les écrivains rencontrent le succès par la série, rassemblent nouvelles et romans, et s’organisant autour de personnages forts. Dans le cas de Wodehouse, son personnage emblématique est Jeeves, qui fait sa première apparition dans une nouvelle de 1917, restée inédite en français.

François Rivière, ayant préfacé en France quelques unes des histoires de l’écrivain britannique, l’affirme : l’auteur se met à table à des heures de bureau, comme à la banque. « Fantaisiste sans fantaisie », l’auteur assume d’ailleurs son côté professionnel de l’écriture.

Les personnages du château de Blandings et du monde de Jeeves
L’auteur de romans policiers et journaliste Hubert Prolongeau, insiste sur la qualité des personnages de Wodehouse. Anglais décalé, Wodehouse a vécu hors des îles britanniques et regarde son pays à travers ses exagérations et ses caricatures. Les sagas de Wodehouse, notamment celles de Berty Wooster et Jeeves, et celle du château de Blandings sont construits sur des personnages de la gentry, « dont les rites sont presque plus lointaine que les plus lointaines tributs d’Afrique pour la classe moyenne anglaise ». Le personnage de Lord Emsworth, qui concentre tout son talent sur l’élevage de cochons, celui de Galahad, personnage digne des chevaliers de la Table Ronde revisité par les Monty Python.
Les procédés d’écritures de Wodehouse : comment écrire des romans drôles ?
Dialogues rapides, mises en abime, narrateur qui accumule les digressions : Wodehouse modernise le roman anglais du 18e siècle. Il invente le meilleur moyen pour retenir le lecteur : installer complicité et distance entre l’histoire qui est racontée et son lecteur par l’entremise du narrateur. Il s’agit de prendre le lecteur à témoin devant l’aquarium peuplé de ses personnages.
Woodehouse fabrique également de la fidélité en peuplant de leitmotivs ses récits. Les tantes y sont des personnages qui ont des manies tyranniques et des lois arbitraires (tellement raisonnables qu’elles en deviennent absurdes). Les citations latines se répètent. Le maître d’hôtel, qu’il soit Jeeves ou Beach, finit toujours par résoudre les problèmes de ses maîtres. On y boit beaucoup. Et l’amour est un vecteur d’expérience et d’aventure. Mais pas vraiment autre chose : le célibat est un idéal, le mariage une menace.
Wodehouse pendant la Seconde Guerre mondiale
François Rivière fait le récit de la position de Wodehouse pendant la Seconde Guerre mondiale. Lorsque la guerre a été déclarée, Wodehouse vit au Touquet, en France, et ne parvient pas à retourner en Angleterre. Emprisonné par le régime nazi, il est déporté en Silésie et se retrouve à Berlin en 1941. « Il était plutôt plus en quarantaine que vraiment prisonnier », dit François Rivière. Wodehouse répond à une interview de la radio allemande et y produit cinq sketchs en collaboration avec le correspondant américain de la CBS. Ces sketchs, à destination des Américains, sont diffusés ensuite sur les ondes britanniques, provoquant un scandale alors que Londres subit des bombardements de la part du régime nazi.
« L’opinion anglaise, toujours vertueuse comme toutes les opinions publiques, a décrété que c’était un personnage à bannir du pays » ajoute Rivière. Wodehouse s’exile alors aux États-Unis et décide d’y rester jusqu’à la fin de ses jours. George Orwell prend la défense de Wodehouse dans un texte de 1945 titré « In Defence of P. G. Wodehouse » dans la revue Windmill en 1946.

P. G. Wodehouse est annobli par la reine Elizabeth II en 1974. On lui prête, comme unique réaction, les mots suivants : « Ma femme sera ravie d’être appelée Lady Wodehouse. »

Cet article a été écrit par Francis