« La vie littéraire », de Mathieu Arsenault

Le « roman expérimental », La vie littéraire de l’auteur québécois Mathieu Arsenault est présenté comme une « #caricature » par la scène Le Lieu Unique à Nantes. Il y fera l’objet d’une performance par l’auteur le 17 avril 2024 prochain à 19h30 : « Critique cinglante teintée d’humour s’appuyant sur les paradoxes du milieu littéraire (ses salons, ses prix, ses critiques, ses émissions…) à l’ère de Facebook, La vie littéraire (Le Quartanier, 2014), roman expérimental de Mathieu Arsenault, est ici mis en scène par Christian Lapointe. Seul au plateau, Mathieu Arsenault livre un monologue qui mélange fiction, enquête, conférence et performance. »
Avec une promotion si alléchante — serait-ce enfin de l’esprit, de l’humour exigeant, intelligent comme on en cherche parfois désespérement ici ? — VIS COMICA s’est penché avec enthousiasme et envie sur le texte, en espérant que la « #caricature » promise de la vie littéraire ne sera pas une énième caricature, pour le coup, de cette littérature vaporeuse (vaporeuse car elle s’effiloche et disparaît au moindre courant d’air, alors que prétendant recouvrir le réel d’un voile de signifiants pour en faire saillir les aspérités) comme on en croise tant et trop sur les scènes poétiques actuelles, dites d’avant-garde ou s’affichant comme telles, les festivals de hörspiels et autres ghettos de la déclamation concernée et inspirée comme posture de profondeur, à la façon des baudruches majoritaires de l’art contemporain.
Force est de reconnaître qu’une fois de plus, on nous prend pour des oies prêtes à être gavées par le gruau habituel desdites scènes littéraires, poétiques ou théâtrales subventionnées : texte écrit comme de façon automatique comme sous substance, monologues hallucinés par fragment sans ponctuation (forcément, sinon ce serait trop académique), qui lorgne dans sa forme vers des références attendues (David Foster Wallace par exemple) en n’omettant pas de les citer, scansion digne d’un schizophrène halluciné… Tout cela pour enfoncer avec toutes les allusions possibles à l’époque (franglais, vocabulaire pop et internet, un peu de vulgarité, références absconses ou fictives) et un  fiel et une distance ironique de celui qui sait déjà tout ou à qui on ne l’a fait pas (grâce à l’autoréférencement ou la prétérition),…  les plus banales portes d’une critique usée depuis des siècles sur l’air des affres du c’est difficile d’écrire (en le lisant on se dit qu’en procédant ainsi, cela ne doit pas l’être), de la déploration que plus personne ne lit, qu‘il y a trop de livres déjà, ainsi que
de l’imposture et des magouilles dans le monde éditorial, celui des prix et celui des salons…. L’humour, la satire, le caustique attendus ne fonctionnent pas : c’est décidément trop chiant, prétentieux et si l’ensemble pourrait prêter à rire, ce ne serait que de lui-même, mais malgré lui.  Ah !, c’est donc seulement ça, se dit-on avec cette déception perverse de trouver encore dans cette entreprise ce qu’on craignait justement de se voir infliger.
L’ouvrage, de 97 pages (cela étant, c’est déjà beaucoup ou du moins suffisant), est tout simplement illisible et insupportable. Espérons que l’auteur, ce rebelle qui a bénéficié d’une bourse de création pour cracher dans la soupe, en proférant son roman expérimental en avril prochain parviendra à le transcender. On en doute.

Un extrait (Je ne sais pas si celui-ci sera dit, justement dans cette façon de maison de la culture qu’est Le Lieu Unique) : 

« Maisons de la culture. Je m’étais ramassée dans une maison de la culture à écouter des poètes du titanic chuchoter pour nous mettre à l’abri des fusillades de pédosodomie d’auschwitz de vomi vibrovaginal anal fallait garder la porte fermée à cause du bruit et en poésie on a un grand choix de poignées entre le prix du gouverneur général et le grand prix québecor du festival international de la poésie de trois-rivières on remporte une bourse de cinq mille dollars assortie d’une lithographie de michel de la fuck all sonate descendant de mange-moi le batte ou une sculpture de peine d’yeux perdus panique digression camion de coordonnateurs culturels qui dépensent les dernières subventions au restaurant plotte and noune du musée d’art contemporain à déguster du fromage riopelle en entrée la next virginia kathy sarah julie maggie elfriede jelinek roussel doucet kane acker woolf c’est évident on va la voir passer c’est évident le monde de l’édition et la critique sont tellement en synergie qu’on ne peut juste pas la manquer on peut juste lui donner tous les prix d’ailleurs on le fait déjà elle gagne tout le temps tous les prix et toutes les bourses parce qu’il y a plus de talent maintenant que jamais auparavant dans toute l’histoire du monde ébloui devant la créativité pure qui jute des artistes en bukkake de beau dans le silence solennel des maisons de la culture. »