Une lettre drôlissime de Boris Vian

J’ai piqué cette lettre parue dans l’excellente et fort recommandée newsletter de Philippe Didion  : « Notules Dominicales de Culture Domestique » n°1074, du 1er décembre 20124 >  lire et s’abonner ici.

“BORIS VIAN
98 rue du Faubourg Poissonnière 27.11.45
PARIS X

Madame
Mademoiselle
Monsieur (anéantir la ou les mentions inutiles)

J’ai l’honneur de vous signaler avec rancœur les anomalies persistantes et contre-indiquées dont je suis l’innocente victime depuis que je m’abonnai, en vos bureaux, à la revue “Les temps modernes”.
1) – Selon les renseignements que j’ai recueillis, le premier numéro m’a été adressé 1 rue du Faubourg Poissonnière, ou quelque chose comme ça.
2) – Le 26 Octobre, j’ai dû venir chercher son remplaçant au 5 de la rue Sébastien-Bottin.
3) – Le 6 novembre, j’ai reçu une seconde fois ce numéro 1.
Depuis, le néant absolu. Qui dit néant dit lettre (excusez-moi) et c’est pour cela que je vous écris (également parce qu’hier et aujourd’hui, j’ai téléphoné sans résultat).

Au cas où vous égareriez mon adresse, écrivez-moi immédiatement, je tiens à votre disposition onze copies de la présente sur Vergé Dugommier et une (mais plus chère, et numérotée) sur Japon Impérial coupé.

En résumé, il me paraîtrait agréable que l’abonnement à quelque chose comportât la réception régulière de ladite chose en temps utile, et le souci que j’ai de me tenir au courant de l’actualité fait que j’enrage de voir dans les kiosques le numéro 2 qui me nargue – mais j’aurai le dernier mot.
Je vous prie de répartir au hasard de vos bureaux mes congratulations désenchantées.

B. VIAN

P.S. Il me serait, en somme, agréable de recevoir le numéro 2.”

(Boris Vian, Correspondances 1932-1959)