Anthologie de la répartie, de Julien Colliat

Publier des réparties célèbres est un sport de lettrés sur LinkedIn, mais le meilleur toutes catégorie est sans doute Julien Colliat qui égrène quotidiennement sur X (Twitter) les mille extraits de son Anthologie de la répartie, où on l’a remarqué.
On est bien embarrassé par cet ouvrage, qui suscite des réflexions : il y a un travail remarquable de collecte et d’érudition, le contenu est d’abondance, la préface d’Éric Naulleau est intéressante et bien troussée (quand celui-ci ne fait pas de politique ou de provoc extrême droitière, il est brillant et rappelle l’auteur et l’éditeur qu’il fut avant de se faire dévorer par la télévision et les amis qu’il en a attrapés), il y a nombre de réparties très drôles, d’un humour parfois de haute volée et exigeant… Mais voilà : peut-être ne faut-il pas le lire dans l’ordre,  car il on en ressémaneent au  bout d’un moment les fumets rances et nauséeux d’une société à jamais perfide, cauteleuse, d’une foule de vanités, de bêtises, de méchancetés, de générations de personnes rivales, aigries, jalouses… C’est un cortège de plumitifs, d’ambitieux, d’acteurs, de comédiennes et de demi-mondaines, de politiciens et de politicards fourbes. Un florilège de misanthropie, de machisme, de sexisme. aussi — et on le dit sans tomber, vraiment, dans les pudibonderies, censures et émois d’aujourd’hui, — car les genres de la répartie ne se renouvellent guère. Oui, dans ce qui sont pourtant de la plupart il est vrai du temps de beaux mots d’esprit surgit une image assez crasse de tout ce vilain monde.  Et hélas on se lasse. Un comble : un livre d’humour qui vous navre, cat tout cet humour vachard n’est plus drôle. La préface nous dit que  le trait d’esprit est une passion françaises, remontant à la vie de Cour… en fait, on n’est pas beau, les amis.

PS : parfois on se demande tout de même qui était sur les lieux pour relever la répartie, et donc pour nous assurer de la véracité… Deux exemples… :

Churchill :
« Alors qu’il séjournait dans une luxueuse suite d’hôtel, Winston Churchill entra par mégarde dans la salle de bains au moment où sa femme était nue dans sa baignoire. Surprise, celle-ci s’écria :

− Mon Dieu !
− Ma chérie, lorsque personne ne nous entend, appelez-moi simplement Winston.»

de Gaulle :
« À l’entracte d’une pièce de la Comédie-Française, il se rendit aux toilettes avec André Malraux. Alors que les deux hommes se tenaient côte à côte face aux urinoirs, le ministre déclara, enthousiaste :
− Belle pièce, mon général.
− Je vous en prie, Malraux, regardez devant vous. »

(Pas de comicoscore VIS COMICA pour cet ouvrage, parce qu’à la fois remarquable et fort recommandable, mais d’un effet répulsif… bien malgré lui.) À vous de juger….